circle
circle

L’Autorité de la concurrence sanctionne les thés Mariage Frères pour entrave à la liberté commerciale de ses distributeurs

dot décembre 2024
Concurrence
Distribution
Gaëlle Serrano
Gaëlle Serrano
Alexis Varga
Alexis Varga
dotArticle publié sur :
dotLien vers la décision de l'Autorité :
circle
Dans sa décision n° 23-D-12 du 11 décembre 2023, l'Autorité de la concurrence a sanctionné le groupe Mariage Frères à hauteur de 4 millions d'euros pour deux pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des thés de luxe.

À la suite d’un rapport d’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’Autorité de la concurrence a sanctionné le groupe Mariage Frères pour avoir entravé la liberté commerciale de ses distributeurs pendant près de 15 ans (de juillet 2008 à janvier 2023) en leur interdisant de vendre en ligne les produits de sa marque et de revendre ses produits à d’autres détaillants.

 

Ces pratiques, qui ont limité la concurrence intra-marque et cloisonné les marchés, ont été sanctionnées au titre de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et de l’article L. 420-1 du Code de commerce. Mariage Frères a tenté de contester l’affectation sensible du commerce entre Etats membres.

 

Cependant, l’Autorité de la concurrence a confirmé l’affectation du marché commun en raison de la notoriété de la marque en France et des parts de marché détenues par Mariage Frères sur le marché affecté (à savoir le marché national des thés premium). En effet, les parts de marché dépassent le seuil de sensibilité de 5 % prévu au point 53 des lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE. Ce seuil ayant été dépassé, l’Autorité a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la condition alternative relative au seuil de chiffre d’affaires de 40 millions d’euros.

 

L'interdiction de la vente en ligne des produits Mariage Frères

Dans ses conditions générales de vente (CGV), Mariage Frères interdisait à ses distributeurs de revendre ses produits sur Internet, se réservant ainsi l’exclusivité de leur vente en ligne.

 

L’Autorité de la concurrence a constaté l’existence d’une pratique anticoncurrentielle résultant de la diffusion par Mariage Frères de CGV comportant une clause d’interdiction de vente en ligne à l’ensemble de ses distributeurs et de l’acceptation, par ces derniers, desdites CGV comportant la clause litigieuse. Or, les CGV constituaient le seul fondement des relations contractuelles entre Mariage Frères et ses distributeurs jusqu’en 2019.

 

Mariage Frères a tenté de justifier cette pratique par la volonté de préserver l’image prestigieuse de ses produits. Cependant cet objectif ne peut justifier la neutralisation absolue du canal de distribution en ligne, conformément à la jurisprudence constante et ce, d’autant plus que la commercialisation des produits en cause ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une distribution sélective.

 

L’Autorité de la concurrence a donc relevé que l’interdiction de vendre des produits sur Internet a été susceptible de restreindre le développement de l’activité des distributeurs, ce qui est interdit par le droit de la concurrence.

 

Après 2019, Mariage Frères avait inclus dans ses CGV une clause imposant aux distributeurs d’obtenir une autorisation préalable pour vendre les produits en ligne, ce qui devait donner lieu à un contrat distinct. En pratique, aucun contrat ayant pour objet la vente en ligne n’a été conclu entre Mariage Frères et ses distributeurs, malgré les demandes de certains d’entre eux. L’Autorité de la concurrence a donc considéré que cette pratique équivalait à une interdiction absolue et explicite de la revente en ligne.

 

En outre, cette restriction a été préjudiciable aux distributeurs, notamment aux plus petites structures, qui auraient pu voir leur chiffre d’affaires augmenter de manière significative. Tel a été le cas pour Mariage Frères, qui a pu tripler son chiffre d’affaires grâce aux ventes en ligne réalisées entre 2013 et 2021 soit sur son propre site soit via Amazon.

L'interdiction de revente des produits Mariage Frères à d'autres détaillants

L’interdiction de la revente à d’autres distributeurs était également mentionnée dans les CGV de la marque. Cette disposition litigieuse conférait à Mariage Frères un droit exclusif de revente et limitait la revente de ses distributeurs aux seuls consommateurs.

 

L’interdiction privait les consommateurs finaux de la possibilité de bénéficier de meilleurs prix résultant d’une concurrence effective entre tous les distributeurs.

 

L’Autorité de la concurrence a considéré que la restriction de clientèle imposée par les clauses litigieuses constitue, par sa seule présence dans les CGV, une restriction caractérisée, dès lors que Mariage Frères n’opère pas dans le cadre d’un système de distribution sélective ou exclusive. La restriction de clientèle est une restriction caractérisée au sens des règlements UE 330/2010 et 2022/720, et constitue donc, par sa nocivité, une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101 du TFUE.

Le montant de l'amende résultant des pratiques anticoncurrentielles en cause

La taille limitée de l’entreprise revendiquée par Mariage Frères ainsi que l’absence de direction juridique, marketing ou commerciale, ne constituent pas des circonstances atténuantes.

 

L’Autorité de la concurrence a infligé une amende de 4 millions d’euros solidairement à Mariage Frères International SAS et Mariage Frères SAS.

 

Ce montant s’explique par le caractère « certain » de la gravité des pratiques, selon l’Autorité de la concurrence. Bien qu’il ait été constaté que Mariage Frères n’a pas exercé de représailles à l’encontre de ses distributeurs pendant la période infractionnelle, l’Autorité de la concurrence a établi que l’entreprise veillait à ce que ses distributeurs respectent les interdictions. En outre, la pratique a affecté des distributeurs sur le marché en cause qui étaient des petites, voire de très petites entreprises.

 

Le montant est toutefois inférieur au plafond légal fixé par l’article L. 464-2 du Code de commerce.

circle
circle

dernières actualités

Concurrence
Distribution
L’Autorité française de la concurrence sanctionne le chocolatier De Neuville pour avoir entravé la liberté commerciale de ses franchisés
Dans sa décision n° 24-D-02 du 6 février 2024, l’Autorité française de concurrence a sanctionné solidairement le chocolatier De Neuville et sa société mère, la holding Savencia, à hauteur de 4 millions d’euros pour deux pratiques d’entente.
décembre 2024
Lire l'article
Concurrence
Distribution
L’Autorité de la concurrence inflige une amende à Rolex pour avoir empêché ses distributeurs agréés de vendre ses produits en ligne
Dans sa décision n°23-D-13 du 19 décembre 2023, l’Autorité de la concurrence a infligé une amende de 91,6 millions d’euros à Rolex France SAS et à trois entités mères (Rolex Holding SA, Fondation Hans Wilsdorf et Rolex SA) pour avoir mis en œuvre une interdiction totale de vente en ligne par ses revendeurs agréés, au sein de son réseau de distribution sélective. Cette décision constitue la sanction la plus élevée imposée à ce jour par l’Autorité de la concurrence, pour une telle pratique.
septembre 2024
Lire l'article
Concurrence
L’Autorité de la concurrence sanctionne Sony pour abus de position dominante sur le marché de la fourniture de manettes PS4.
Dans sa décision n°23-D-14 du 20 décembre 2023, l’Autorité de la concurrence a condamné quatre sociétés du groupe Sony à une amende de 13,5 millions d’euros, pour avoir abusé de leur position dominante sur le marché de la fourniture de manettes de PS4 (de novembre 2015 à avril 2020). 
décembre 2024
Lire l'article
circle

UNE QUESTION ?

L’actualité économique et juridique fait partie intégrante de l’approche de Vertice. Notre équipe est à votre écoute pour répondre à toutes vos problématiques qui touchent à nos domaines d’intervention.

circle