Les négociations internationales et le gendarme français
décembre 2024
Négociations commerciales
Olivier Leroy
Article publié sur :
Dans cette tribune, Olivier Leroy, du Cabinet Vertice Avocats, fait le point pour LSA sur les négociations commerciales à l’international.
Les débats sur la réforme du droit des négociations commerciales animent le Palais Bourbon. La Mission gouvernementale fournit un travail approfondi. Emergent en parallèle quelques polémiques récurrentes, parmi lesquelles celles relatives aux centrales internationales. Les uns dénoncent le contournement du dispositif légal français, les autres défendent un projet industriel, rationnel, décorrélé de toute tentative d’échappatoire.
Historiquement, les centrales internationales de services ont eu la charge de valoriser des services dits « internationaux », certaines négociaient au niveau international, des budgets associés à des services rendus sur chacun des territoires concernés. Ces négociations s’inscrivaient en complément des négociations nationales. Le législateur a pris acte de cette pratique et a imposé que le détail de ces accords soient impérativement repris au sein de la convention récapitulative française, sous peine d’amende administrative. Ces dispositions sont majoritairement appliquées.
Désormais, l’on assiste à l’émergence accélérée d’une nouvelle génération de négociations internationales, portées par des entités étrangères dotées d’un mandat exclusif pour l’ensemble de la négociation commerciale avec les industriels concernés. Ces entités internationales s’inscrivent souvent dans un schéma d’achats internationaux et répondent à une logique assumée : élever le niveau des négociations commerciales entre grands industriels et distributeurs et celui des engagements réciproques en vue du développement des ventes. Ces schémas existent de longue date dans d’autres secteurs d’activité.
Dans cette nouvelle hypothèse, est soutenue l’idée que le droit français n’aurait pas vocation à s’appliquer, surtout en présence de deux entités étrangères, d’une première livraison hors France, d’une revente partiellement en France et d’un droit applicable étranger convenu par les parties.
Quel est l’enjeu réel de cette question ?
D’un point de vue général, nul doute que l’émergence de ces nouveaux schémas de négociation de dimension internationale interpelle les pouvoirs publics français. Du point de vue du gendarme de l’économie, la situation est même jugée préoccupante. Exécutif et Législateur ont invariablement pour objectif que les règles votées par le second soient appliquées en France, sous la vigilance du premier.
À cet égard, relevons que deux corps de règles semblent concernées qui, ensemble, constituent désormais le droit français des négociations ou des relations commerciales, le premier tient au droit des pratiques restrictives de concurrence, le second à la régulation par la loi ces relations commerciales, en particulier sur l’ensemble de la filière agroalimentaire.
Les règles relevant du droit des pratiques restrictives préservent par principe la liberté contractuelle et prévoient la sanction des pratiques abusives. Elles ont vocation à intervenir en présence d’un rapport de force inégal entre les parties et d’une pratique abusive commise par le fort à l’encontre du faible.
Si ces nouveaux schémas ne devaient concerner que les grands groupes industriels, il n’est pas certain que le droit des pratiques restrictives ait vocation à s’appliquer. Le rapport de force entre forts aboutira à un accord qui sera la règle entre les parties. Si, en outre, l’industriel n’est pas situé en France et que le flux des produits concernés n’est pas destiné majoritairement au territoire français, est-ce vraiment un problème si les règles françaises du droit des pratiques restrictives de concurrence ne trouvent pas à s’appliquer ?
Quant aux règles relatives à d’autres enjeux que la protection de la partie la plus faible, qui répondent à des enjeux d’ordre public de direction, tels que la répartition de la valeur au sein de la filière alimentaire, sont-elles si nécessaires dans des relations commerciales de dimension internationale, impliquant des produits alimentaires transformés à partir de matières premières d’origines diverses, non nécessairement françaises, alors même que le vendeur, l’acheteur et le flux de produits sont essentiellement internationaux, donc étrangers ?
Pour ces raisons, l’éventuelle inapplicabilité du droit français aux schémas de négociations internationaux pourrait ne pas être un enjeu prioritaire, sauf contournement avéré en présence de relations franco-françaises.
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