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Quelques idées pour une réforme durable et efficiente des négociations commerciales

dot décembre 2024
Négociations commerciales
Olivier Leroy
Olivier Leroy
dotArticle publié sur :
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Dans cette tribune, Olivier Leroy, avocat associé, cofondateur du Cabinet Vertice, formule "quelques idées simples qui pourraient contribuer à la réflexion collective" pour une réforme du droit des relations commerciales.

« Cette réforme devra tirer toutes les conséquences du nouveau cycle économique que nous connaissons, qui se caractérise par une volatilité forte des cours et des coûts d’approvisionnement, de production, de stockage, de transport et de distribution. »

 

Préparer une réforme du droit des relations commerciales est une lourde affaire qui mobilise déjà l’énergie du Gouvernement, des deux corapporteurs, Anne-Laure Babault et Alexis Izard et des acteurs concernés. Les discussions sont entamées. Elles aboutiront fin avril prochain en vue de l’éventuelle élaboration d’un projet de loi qui sera porté par le Gouvernement.

 

À ce stade, qu’il nous soit permis de formuler quelques idées simples qui pourraient contribuer à la réflexion collective.

Quel objectif pour une réforme durable et efficiente ?

En 1996, la loi Galland, combinée à l’ordonnance Raffarin relative à l’urbanisme commercial, avait pour objet la protection du « petit commerce ». En 2007-2008, les dispositifs Chatel et LME répondaient à une problématique de pouvoir d’achat. En 2018-2019, Egalim poursuivait l’objectif d’une meilleure répartition de la valeur dans la filière agroalimentaire.

 

Aujourd’hui, il nous semble que la prochaine réforme, souhaitée durable et efficiente, devrait répondre à deux objectifs essentiels, la simplification et l’adaptation du régime légal à la volatilité des cours et des coûts, notamment agricoles.

 

D’abord, la réforme devra proposer une simplification des règles applicables. En l’état, le dispositif est anormalement complexe. La forme prend le pas sur le fond. Les entreprises, surtout les PME-ETI, sont démunies. Les grands groupes et les distributeurs supportent la charge de consultants appelés à gérer équations et indicateurs. L’analyse de la valeur est apportée par les uns aux autres, sur un plateau, au titre d’une transparence obligatoire et ciblée.

 

Le rapport coût / efficience du dispositif actuel interpelle.

 

Surtout, ce dispositif théoriquement subtil apparaît en pratique lourd, inefficace et détourne gravement le contenu des discussions entre chaque acteur de la filière, au point de substituer à la quête de la performance commerciale, la rédaction de clauses qui, sauf exception, ne sont pas mises en œuvre.

 

La réforme devra donc porter sur des mesures de simplification, pour soulager les entreprises et laisser la place aux discussions commerciales, plus que jamais nécessaires en cette période de consommation affectée.

 

Cette réforme pourrait aussi être l’occasion de revenir aux fondamentaux du droit des pratiques restrictives de concurrence, à savoir un corps de règles fondées sur la liberté et la sanction des pratiques abusives. En l’état, les textes applicables aux négociations commerciales relèvent davantage de la régulation et imposent aux parties un schéma complexe, conçu pour d’autres finalités que le développement des ventes et la lutte contre les pratiques abusives.

 

Il est probablement temps de recentrer le système autour des principes fondateurs du droit de la concurrence, et de renoncer à assigner au droit des négociations commerciales, des objectifs politiques variables et contradictoires (le pouvoir d’achat vs le revenu agricole vs encore la compétitivité de notre industrie agroalimentaire).

 

Concernant ces trois préoccupations majeures, les solutions sont probablement ailleurs. Concernant les relations commerciales, replaçons au cœur du dispositif, la liberté et la sanction des abus, une nouvelle dynamique de coopération entre les parties aussi.

 

Ensuite, cette réforme devra tirer toutes les conséquences du nouveau cycle économique que nous connaissons, qui se caractérise par une volatilité forte des cours et des coûts d’approvisionnement, de production, de stockage, de transport et de distribution.

 

Le dispositif légal actuel est fondé sur l’hypothèse désuète de la stabilité des cours et des coûts. Il prévoit la fixité des tarifs et des prix pour une durée au moins annuelle. Le dispositif Egalim avait maintenu ce principe de la fixité des prix, moyennant des mécanismes correcteurs théoriques complexes (clause de révision et de renégociation), en pratique inapplicables à défaut souvent d’indicateurs, et finalement inefficaces.

 

Aujourd’hui, il parait temps de prendre acte de l’incompatibilité de ce principe de fixité du prix compte tenu du retour récent de la forte volatilité des matières premières et des autres facteurs de coût (notamment l’énergie). Le système actuel se révèle caduc, désormais inadapté. Les mécanismes correcteurs, séduisants en théorie, sont inappliqués en fait.

 

La réforme discutée pourrait ainsi proposer l’abandon du principe de fixité des prix pour une durée annuelle. Certaines solutions alternatives sont discutées, l’une d’elles pourrait émerger de la concertation engagée.

 

Outre les objectifs légitimes du pouvoir d’achat et de la protection du revenu agricole, cette réforme permettrait alors de contribuer à la protection du tissu industriel français.

Comment prendre efficacement en compte à l’aval, les enjeux de l’amont agricole ?

La prise en compte au stade aval des relations entre industriels et distributeurs, des intérêts légitimes des producteurs agricoles, existe déjà au sein du dispositif Egalim, même inefficacement. Cette prise en compte prend aujourd’hui diverses formes, en application des principes de sanctuarisation et de transparence, le second servant le premier. Le principe de sanctuarisation mérite d’être préservé, sa mise en œuvre doit être assurément simplifiée.

 

Notons d’ailleurs qu’en application des actuelles options 1 et 2, options au titre desquelles semble assurée (en détail ou agrégée) la transparence sur la valeur de la part des matières premières agricoles (“MPA”) dans le tarif, la sanctuarisation apparaît bien théorique. Interdire un prix de cession inférieur au coût des MPA n’est, en pratique, d’aucune portée protectrice des intérêts des agriculteurs, car aucun produit transformé n’est cédé au coût de revient des MPA…

 

Paradoxalement, c’est bien l’option 3, décriée pour sa moindre transparence (à débattre) qui aboutit à une réelle prise en compte de l’évolution des prix des MPA au stade aval de la négociation du prix de cession entre industriels et distributeurs, dans la mesure où cette option aboutit à une évolution minimum du prix 3xnet et donc à un 3xnet minimum au regard de l’évolution des prix des MPA. L’option 3 ne fait pourtant guère l’unanimité, les distributeurs exigeant une « vraie » transparence, les industriels regrettant la lourdeur administratives des attestations amont et aval…

 

La réforme devra préserver une certaine transparence sur les coûts des MPA et les indicateurs. Il s’agit selon nous d’un acquis puissant du dispositif Egalim, invitant les sujets de la valeur des MPA et de la rémunération des producteurs agricoles dans les discussions en aval. Ces dispositions devront toutefois être simplifiées.

 

Par ailleurs, et selon nous, les règles gouvernant les négociations entre industriels et distributeurs ne sauraient résoudre par des contraintes formelles, les problème connus à l’amont. En revanche, ces règles à l’aval devront permettre et promouvoir l’évolution des prix au regard des besoins amont, en particulier agricoles. Théoriquement, les clauses de révision et de renégociation pouvaient assurer cette fonction. En pratique, il parait clair qu’elles ne sont pas la solution espérée. Prenons-en acte.

 

Simplification et adaptation du dispositif légal au contexte de volatilité des cours et des coûts, retour aux principes de liberté et de sanctions effectives des pratiques abusives, considération des enjeux amont sans réguler maladroitement les relations commerciales, tels pourraient être les moteurs de la réflexion engagée pour une réforme du droit des négociations commerciales. Cette réforme nous semble nécessaire.

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